Machinisme Attention, les prix du matériel agricole flambent !
La hausse du coût des matières premières, la mise en place de normes antipollution, celle de la norme européenne Mother Regulation, ainsi que de nouveaux standards de sécurité mettent le feu au prix des matériels, dans un marché soutenu artificiellement par des subventions à l’équipement. La résistance s’organise, menée par les Coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma).
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« L’augmentation des prix des matériels n’est plus concevable. Le tarif de certaines machines a doublé en quinze ans alors que celui de nos productions agricoles est resté stable, voire a chuté. » : éleveur dans le Maine-et-Loire et président de CaMaCuma, la centrale d’achat des Cuma, Yves-Mary Houdmon ne décolère pas.
Et il n’est pas le seul. Éleveurs comme céréaliers prennent d’assaut les réseaux sociaux pour dénoncer une flambée des prix des matériels, qu’ils ne jugent pas toujours justifiée et surtout totalement décorrélée de la situation économique de leurs exploitations.
L’indice des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa), publié chaque mois par l’Insee, est effectivement sans appel : en quinze ans, l’indice de l’ensemble des matériels a augmenté de 42 %. La hausse dépasse 50 % en tracteurs et flirte avec les 60 % en pulvérisateurs.
Les constructeurs rappellent volontiers que le matériel de référence pris en compte dans le calcul de l’indice a fortement évolué en quinze ans. Par exemple, un tracteur de 200 ch intègre aujourd’hui un relevage avant, des distributeurs électrohydrauliques, un terminal en cabine et une transmission sophistiquée, ce qui contribue à augmenter l’indice du prix. Mais cette évolution technique n’est pas la seule cause.
Matières premières et normes plombantes
La raison la plus fréquemment évoquée par les constructeurs pour justifier les augmentations de tarif est la hausse significative du prix des matières premières. Depuis plusieurs années, acier, cuivre, plastiques, caoutchouc et composants électroniques augmentent, parfois de façon très brutale. La reprise mondiale actuelle, portée par l’appétit chinois, aggrave encore la situation. Le prix du baril de brut semble inarrêtable, impactant d’autant le prix des plastiques avec une hausse du polyéthylène de 121 % en un an. L’acier ne s’en sort pas mieux et, selon les références, connaît une hausse de 75 à 115 % depuis avril 2020. Or, l’acier HRC et CRC entre pour 80 % dans la composition d’un tracteur et pour plus de 95 % dans celle d’une remorque.
À cette pression sur les matières premières s’ajoute celle des normes. Des motoristes comme Deutz AG ou John Deere estiment que le prix d’un moteur a doublé entre les normes antipollution Tier 3 et Tier 4 et a encore augmenté pour atteindre l’actuel Stage 5. Même s’il a été commercialement impossible de répercuter intégralement cette hausse sur le prix final des tracteurs et automoteurs, l’augmentation est palpable. Fendt a choisi de communiquer sur le surcoût du passage au Stage 5 dans ses devis. La mise en place de la norme Mother Regulation, qui impose de nouveaux standards, notamment pour le freinage, a aussi un impact significatif, y compris sur les petits matériels tractés.
Pousse-au-crime
Les engins sont toujours plus chers et paradoxalement les ventes restent très soutenues, ce qui ne pousse pas à la remise en cause des tarifs. Les concessionnaires, par la voix de Pierre Prim, l’ancien président du Sedima, dénoncent régulièrement des subventions « pousse-au-crime » qui incitent les agriculteurs à acheter du neuf au lieu de mettre à niveau leurs outils. « Pour un pulvérisateur, il suffirait de 5 000 euros pour remettre un appareil au goût du jour. Au lieu de ça, les subventions poussent à acheter un engin 10 à 20 fois plus cher », déplore-t-il. Cette pratique alimente un cercle vicieux. Elle déstabilise totalement le marché de l’occasion, avec un impact important sur la capacité du concessionnaire à consentir des efforts commerciaux sur le neuf.
Peu de transparence
Agriculteurs, entrepreneurs et Cuma déplorent le manque de transparence sur les prix. Les constructeurs ne communiquent que rarement leurs tarifs avant devis et les conditions sont très variables entre concessionnaires, voire entre régions. Ainsi, un andaineur sera vendu beaucoup plus cher dans la zone de production du Comté qu’en Bretagne.
Plusieurs constructeurs, dont Claas et Joskin, viennent toutefois de jeter un pavé dans la mare en proposant des configurateurs en ligne qui annoncent les prix « culture » pour les tracteurs et les outils tractés. Les tarifs des options sont clairement affichés et permettent à l’agriculteur de se faire une idée du montant de son investissement et de réaliser ses simulations avant de contacter son concessionnaire pour entamer les négociations. En revanche, la transparence n’est pas encore d’actualité pour les automoteurs de récolte.
Les Cuma à l’attaque
Pour lutter contre la flambée des prix, certains agriculteurs se tournent vers les tutoriels en ligne afin de mettre à niveau leurs engins à moindre coût. Mais l’offensive la plus marquante est celle menée par les Cuma, avec la mise en place de leur centrale d’achat CaMaCuma. « L’idée est de réaliser des achats groupés en grande quantité et de les proposer ensuite aux Cuma », précise Yves-Mary Houdmon. Avec un succès certain puisque CaMaCuma est en mesure de proposer un plateau à fourrages Gourdon pour 1 200 €/m et un chargeur télescopique Bobcat en location pour 12,7 €/h.
Un grand pied dans la fourmilière que les Cuma comptent rééditer très prochainement avec du travail du sol, des bennes et des herses étrilles. Et qui fera peut-être des émules dans d’autres organisations professionnelles. La guerre des prix est déclarée.
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